Pourquoi la critique ?

Mon dernier article date du 8 janvier. Bien que j’aie lu plusieurs livres depuis, je ne sais pas. Quelque chose me retient d’écrire, de « chroniquer ».
Je deviens sceptique et presque allergique à cette nouvelle critique auto-sacralisée sur les réseaux sociaux.

Comme une majorité de lecteurs qui tiennent un blog (en ce qui me concerne le verbe est trop fort, je ne tiens rien du tout – la preuve), j’ai créé un profil Instagram spécial.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je n’ai « que » 230 personnes qui me suivent (dans l’absolu d’Instagram c’est dérisoire et peut-être même pathétique). Mais quand j’y pense, j’en suis un peu fière : ce sont 230 personnes, toutes différentes et sans doute presque toutes intéressées par ce que je poste, ce que j’écris, ce que je photographie, et qui se retrouvent sur ma page, à travers mon personnage. Je ne sais pas si elles se connaissent, si elles savent qui elles sont. Peut-être y a-t-il, dans ces 230 personnes, des gens qui se détestent… Instagram, comme Internet en général, offre la possibilité d’une cohabitation déshumanisée et donc totalement acceptable. Se retrouver à côté de son pire ennemi à suivre une même personne ou à adhérer au même groupe n’est plus un problème. En cela c’est à la fois formidable et terriblement effrayant.

Je crois que je n’ai pas compris ce que c’était que « Bookstagram », cette communauté Instagram axée (de façon absolument maniaque et obsessionnelle) sur une certaine littérature (ultra contemporaine puisque le but semble surtout de se faire repérer par les services marketing des maisons d’édition pour devenir « sponsored » et se faire offrir des livres – ce qui n’a, en soi, rien de déshonorant). Le problème, c’est que ce que je pensais être un nouvel espace pour la créativité et l’expression personnelle (voire artistique chez certain(e)s), est en train de devenir (ou est-ce déjà acté ?) une immense plage publicitaire. Si vous regardez les profils « littéraires » qui ont le plus d’abonnés, vous serez peut-être étonnés (comme je l’ai été) de remarquer l’uniformité quasi absolue des styles. Les tons colorimétriques varient mais vous avez l’impression de voir toujours la même photo (je ne parle même pas des légendes à base de questions aguicheuses). Je ne vais pas mentir, j’ai essayé de faire pareil (enfin pas les légendes quand même, je n’ai pas pu aller jusque-là) et je vais expliquer pourquoi.

Les réseaux sociaux, pour celles (surtout) et ceux (moins nombreux) qui souffrent d’angoisse chronique, peuvent représenter un petit paradis. Vous ne paniquez pas à l’idée d’intégrer un groupe virtuel de 15k personnes alors que dans la vie, pénétrer dans une pièce remplie de 15 personnes vous donne des sueurs froides. Je le sais, j’en suis. Et pourtant, une fois l’angoisse passée (dans la vie), je suis heureuse de discuter et parfois aussi de danser avec ces gens qui partagent l’espace avec moi le temps d’une soirée.
Or virtuellement, je ne trouve absolument aucun intérêt aux discussions via « messages privés ». Je ne connais pas ces gens et parler de littérature avec des gens qu’on ne connaît pas m’a toujours semblé difficile et trop intime.
Jamais contente, peut-être.

Mais tout ça pour dire que la communauté peut être très frustrante quand elle vous résiste. Parce qu’avoir 230 abonnés là où les autres en ont 50 000, ça revient à être la dernière choisie au moment de la constitution des équipes, en sport, au collège. Ne pas suivre quelqu’un, dans ce genre de communauté, c’est comme refuser de s’asseoir à côté d’elle ou de lui à la cantine. Se désabonner, c’est humilier. Parce que oui, ne nous mentons pas : les réseaux sociaux c’est la cour de récréation à nouveau. Et il faut vraiment aimer souffrir pour avoir envie d’y retourner à 3O ans. Donc voilà, j’ai toujours mon profil Instagram, j’ai toujours mon blog mais je ne compterai jamais les livres que j’ai lus comme une anorexique compte les calories. Je ne mettrai jamais 3 sur 10 à Rimbaud en arguant que « le tout n’est pas intelligible » (comme je l’ai réellement lu sur un profil). Chacun ses goûts, on est d’accord. Mais quand on en vient à mettre 5 à Corneille alors qu’on passe ses journées à prendre ses livres en photo, il me semble qu’il y a comme un problème.

Laissons donc la littérature aux écrivains et aux lecteurs-lectrice, la photographie aux artistes et la publicité aux publicitaires.