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Review #23 / « VIS-À-VIS » de Peter Swanson

Ça faisait longtemps, si longtemps que depuis la dernière fois que j’ai posté quelque chose WordPress a changé !

Depuis plusieurs semaines je pense à revenir mais ce n’était pas si facile. Je me suis dit que je ne saurais plus comment faire (ce qui est absurde : je n’ai jamais su comment faire, j’ai toujours fait comme je pouvais, comme ça venait). Je me suis demandé par quel livre commencer (parce que si je n’ai rien posté depuis des mois j’ai quand même continué à lire). Je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’améliore mes photos (parce que c’est franchement pas ça). Bref, j’avais toujours une bonne raison de ne rien faire (parce que je ne travaille plus).

Ceux qui me suivent sur Instagram (ceux qui ont le courage de le faire) ont peut être lu les deux posts que j’avais commis (je ne vois pas d’autre terme) et dans lesquels j’expliquais que j’avais perdu mes parents brutalement.

Ça fait trois mois maintenant, le deuil ne fait que commencer et j’en parle là alors que ce n’était absolument pas le sujet. J’en parle parce que je ne sais pas vraiment faire autrement.

La littérature, qu’on la crée, qu’on l’étudie ou qu’on la consomme, n’est pas indépendante de nos vies, des événements qui les traversent. Je pense que les choix qu’on fait en terme de lecture ne sont pas sans lien avec ce qui nous arrive, ce qu’on ressent à un moment donné… enfin ce genre de choses.

Donc voilà, je donne cette information (à prendre comme telle), parce que peut-être ces événements ont-ils, d’une certaine façon, influencé mes lectures de ces derniers mois.

Enfin, pour en venir au « nerf de la guerre », la raison pour laquelle j’écris ce post aujourd’hui : je viens de terminer ce que je définirais sans trop d’hésitation comme le meilleur thriller que j’aie jamais lu depuis L’Invisible de Robert Pobi. Un roman comme j’en attendais depuis longtemps, un livre qu’on ne lache pas, qui nous emmène ailleurs, nous prend au ventre et nous fait frissonner. Ce thriller, c’est Vis-à-vis de Peter Swanson.

Sans revendiquer un statut d’experte (que je ne suis pas), je pense pouvoir dire (en toute humilité) que j’ai une petite expérience des thrillers. J’ai lu (avec plus ou moins de plaisir) à peu près tous les best sellers dont tout le monde a parlé, j’en ai lu d’autres que personne ne connaît (et franchement, il y a peu de bonnes surprises – les très bons thrillers bénéficient d’un bouche-à-oreille qui fait qu’il est difficile de passer à côté ou du moins d’ignorer qu’ils existent).

J’ai donc un défaut (que partagent, je pense, tous les amateurs de thrillers ou de crime stories): dès le début, je fiche dans ma tête les personnages, j’anticipe l’intrigue et je feuillette mon catalogue interne de schémas pour deviner ce que l’auteur me prépare.

Ma théorie, c’est que quand le thriller est bon, soit je ne devine pas (parce que l’intrigue est trop bien ficelée et innovante), soit (par plaisir) j’abandonne rapidement mon enquête et je me laisse embarquer sans réfléchir.

Vis-à-vis appartient à la deuxième catégorie. Peut-être appartient-il également à la première mais je ne le saurai jamais parce que dès le premier chapitre j’ai laissé tomber l’analyse pour suivre Henrietta et découvrir son histoire.

Pitch

Henrietta & Lloyd viennent d’emménager dans une banlieue de Boston où ils font la connaissance de leurs nouveaux voisins : un couple pas désagréable formé de Mira et Matthew.
Quelques jours seulement après leur première rencontre, Mira les invite à venir partager un repas chez eux. Tous semblent passer un bon moment, jusqu’à ce que Mira propose à ses invités de faire le tour de la maison. Arrivée dans le bureau de Matthew, Henrietta remarque un trophée exposé sur le manteau de la cheminée. Elle en est sûre : cet objet appartenait à Dustin Miller, un jeune garçon assassiné plusieurs années auparavant et dont le meurtre l’a hantée jusqu’à peu, la plongeant dans un état maniaque particulièrement préoccupant.
À partir de là, Henrietta, persuadée que son nouveau voisin est un serial killer de la pire espèce, va mener son enquête, peinant à se faire écouter du fait de sa bipolarité.

J’ai avalé les 393 pages en deux jours, saisissant le moindre moment disponible pour avancer avec Hen, un personnage attachant, fort et auquel on ne peut s’empêcher de s’identifier malgré les épreuves qu’elle traverse. L’intrigue est ficelée à la perfection, les personnages sont riches et denses (surtout les femmes), même la traduction ne laisse pas à désirer.

Pour résumer, Vis-à-vis est un roman qui rappelle les grandes années Sonatine où dès qu’un livre sortait, on savait qu’on pouvait l’acheter sans hésiter, en étant sûr de passer un bon moment et d’en avoir pour son argent. Gallmeister est peu à peu en train de gagner cette place, continuant de s’imposer comme une grande maison, proposant des textes forts, innovants et de grande qualité.

Review #22 / « Prends ma main » de Megan Abbott

Les femmes ont-elles une chance ?

J’avais découvert Megan Abbott avec La Fin de l’innocence (The End of Everything), à l’été 2012. Je crois me souvenir que j’avais acheté le livre en grand format dans une gare (ce dont je ne suis plus très sûre en réalité… peut-être confonds-je avec Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan que je n’ai jamais réussi à lire). Ce roman m’avait désarçonnée, l’univers m’avait profondément marquée. Megan Abbott parle des jeunes filles comme personne et elle a un talent rare pour créer des ambiances qui persistent bien au-delà de la lecture. À l’époque, je l’avais conseillé à mes amies qui partageaient mes goûts en matière de littérature. 

Pour écrire cet article, j’ai fait un tour sur les forums, histoire de voir ce que d’autres lecteurs disaient de ce livre dont je ne me souviens que vaguement (c’est souvent le cas pour les lecture qu’on a aimées) et j’ai été étonnée par le nombre de comparaisons avec Lolita de Nabokov. 
J’ai lu Lolita quand j’étais à la fac (il y a peut-être dix ans maintenant), une amie me l’avait offert pour que je lise ce monument de la littérature qu’elle avait adoré. Je me souviens ne pas avoir aimé du tout et d’avoir pensé que s’il avait été écrit par une femme, tout aurait été très différent (ce qui coule sous le sens – J’écris ça et je me dis qu’il est vraiment temps de le relire.) Mais ce qui est sûr, c’est que la comparaison ne m’était jamais venue à l’esprit. Dans mes souvenirs, assez vagues, on était plutôt du côté d’American Beauty

Mon admiration pour Megan Abbott tient au fait qu’il s’agit d’une femme qui écrit sur des femmes de façon particulièrement pertinente et percutante. Le regard qu’elle pose sur ses personnages est incisif mais également juste. À mon sens, on ne tombe jamais dans la caricature. Et si certains personnages peuvent paraître archétypiques sur le papier (l’adolescente perdue, la chercheuse carriériste…), leur traitement, lui, ne l’est jamais. Megan Abbott fait dans la dentelle. Elle ne met jamais les pieds dans le plat et use toujours de chemins détournés, d’élégance et de subtilité. Elle prend son temps et nous invite à faire pareil. Rien n’est donné au lecteur, tout est offert à une lecture délicate. 

Avant d’en arriver à ses deux derniers romans – Avant que tout se brise (You Will know me) et Prends ma main (Give me your hand) que j’ai tous les deux adorés – il faut faire un (très) court détour par le roman noir qu’elle a fait sien pendant un temps. Red Room Lounge (Die a Little), Absente (The Song is You), Adieu Gloria (Queenpin)… autant de titres qui ont fait d’elle une professionnelle du genre, tout tournant toujours autour de figures de femmes plus ou moins fatales dans l’Amérique hollywoodienne des années 50. 

Avant que tout se brise parlait d’une adolescente promise à la gloire dans le monde de la gymnastique. Un homme était tué, la jeune fille se blessait, l’univers s’écroulait et les parents tentaient d’en maintenir les fondations coûte que coûte pour que leur fille réalise leurs rêves. 

Avec Prends ma main, on attaque un nouveau versant de l’ambition. Les héroïnes sont moins jeunes mais toujours aussi juvéniles, les parents sont morts et on quitte la salle de sport pour le laboratoire. Dans ce nouveau cadre, on retrouve la structure du trio, entièrement féminin et particulièrement anxiogène.  
Kit, l’éternelle seconde, touche enfin son rêve du doigt : la titularisation, quand l’éternelle première, son amie de jeunesse, Diane (déesse de la chasse, mais aussi – on l’oublie – de la chasteté et de la virginité), réapparaît dans son labo, aux côtés de son idole et patronne, le Dr Severin. Elle rejoint l’équipe de Kit alors que les places sont chères. Kit est travailleuse, bonne élève, mais rien à voir avec Diane qui penche davantage du côté du génie : une fille extrêmement brillante mais torturée. Et le sujet de recherches de nos trois femmes (les personnages masculins du roman occupent des rôles très secondaires : ils jouent le rôle de révélateurs, catalyseurs) apporte lui aussi sa pierre à l’édifice : le Trouble Dysphorique Prémenstruel (TDP) pousserait des femmes tout à fait « normales » à commettre des actes violents et incontrôlables. Le Dr Séverin, si elle arrive à prouver que cette pathologie existe, révolutionnerait la théorie criminelle en prouvant qu’un certain nombre de femmes accusées de meurtre (par exemple) n’étaient pas conscientes, pas responsables de leurs actes. L’objectif de ces recherches qui passionnent nos trois femmes est donc de faire reconnaitre ce trouble, mais aussi, peut-être de trouver un moyen de le soigner afin d’améliorer la vie de leurs consœurs et de leur éviter de devenir des criminelles malgré elles. La position de Diane, cependant, est floue. Elle n’est pas là pour les mêmes raisons que les autres. 

On est ici dans un univers que l’on a plutôt tendance à qualifier de masculin (la recherche médicale, tout comme le sport dans Avant que tout se brise) donc les femmes ne tiendront pas longtemps. Il y a cette fatalité partout, chez Megan Abbott. Et si j’ai trouvé ce roman particulièrement brillant et abouti, c’est parce que l’on sent que sa réflexion sur la question se fait de plus en plus globale : tout, dans cette fiction, fait sens et renvoie au noyau principal : les femmes peuvent-elles y arriver dans l’état actuel des choses ? Ont-elles au moins une chance ? Chez Megan Abbott, rien n’est moins sûr. 

Pourquoi la critique ?

Mon dernier article date du 8 janvier. Bien que j’aie lu plusieurs livres depuis, je ne sais pas. Quelque chose me retient d’écrire, de « chroniquer ».
Je deviens sceptique et presque allergique à cette nouvelle critique auto-sacralisée sur les réseaux sociaux.

Comme une majorité de lecteurs qui tiennent un blog (en ce qui me concerne le verbe est trop fort, je ne tiens rien du tout – la preuve), j’ai créé un profil Instagram spécial.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je n’ai « que » 230 personnes qui me suivent (dans l’absolu d’Instagram c’est dérisoire et peut-être même pathétique). Mais quand j’y pense, j’en suis un peu fière : ce sont 230 personnes, toutes différentes et sans doute presque toutes intéressées par ce que je poste, ce que j’écris, ce que je photographie, et qui se retrouvent sur ma page, à travers mon personnage. Je ne sais pas si elles se connaissent, si elles savent qui elles sont. Peut-être y a-t-il, dans ces 230 personnes, des gens qui se détestent… Instagram, comme Internet en général, offre la possibilité d’une cohabitation déshumanisée et donc totalement acceptable. Se retrouver à côté de son pire ennemi à suivre une même personne ou à adhérer au même groupe n’est plus un problème. En cela c’est à la fois formidable et terriblement effrayant.

Je crois que je n’ai pas compris ce que c’était que « Bookstagram », cette communauté Instagram axée (de façon absolument maniaque et obsessionnelle) sur une certaine littérature (ultra contemporaine puisque le but semble surtout de se faire repérer par les services marketing des maisons d’édition pour devenir « sponsored » et se faire offrir des livres – ce qui n’a, en soi, rien de déshonorant). Le problème, c’est que ce que je pensais être un nouvel espace pour la créativité et l’expression personnelle (voire artistique chez certain(e)s), est en train de devenir (ou est-ce déjà acté ?) une immense plage publicitaire. Si vous regardez les profils « littéraires » qui ont le plus d’abonnés, vous serez peut-être étonnés (comme je l’ai été) de remarquer l’uniformité quasi absolue des styles. Les tons colorimétriques varient mais vous avez l’impression de voir toujours la même photo (je ne parle même pas des légendes à base de questions aguicheuses). Je ne vais pas mentir, j’ai essayé de faire pareil (enfin pas les légendes quand même, je n’ai pas pu aller jusque-là) et je vais expliquer pourquoi.

Les réseaux sociaux, pour celles (surtout) et ceux (moins nombreux) qui souffrent d’angoisse chronique, peuvent représenter un petit paradis. Vous ne paniquez pas à l’idée d’intégrer un groupe virtuel de 15k personnes alors que dans la vie, pénétrer dans une pièce remplie de 15 personnes vous donne des sueurs froides. Je le sais, j’en suis. Et pourtant, une fois l’angoisse passée (dans la vie), je suis heureuse de discuter et parfois aussi de danser avec ces gens qui partagent l’espace avec moi le temps d’une soirée.
Or virtuellement, je ne trouve absolument aucun intérêt aux discussions via « messages privés ». Je ne connais pas ces gens et parler de littérature avec des gens qu’on ne connaît pas m’a toujours semblé difficile et trop intime.
Jamais contente, peut-être.

Mais tout ça pour dire que la communauté peut être très frustrante quand elle vous résiste. Parce qu’avoir 230 abonnés là où les autres en ont 50 000, ça revient à être la dernière choisie au moment de la constitution des équipes, en sport, au collège. Ne pas suivre quelqu’un, dans ce genre de communauté, c’est comme refuser de s’asseoir à côté d’elle ou de lui à la cantine. Se désabonner, c’est humilier. Parce que oui, ne nous mentons pas : les réseaux sociaux c’est la cour de récréation à nouveau. Et il faut vraiment aimer souffrir pour avoir envie d’y retourner à 3O ans. Donc voilà, j’ai toujours mon profil Instagram, j’ai toujours mon blog mais je ne compterai jamais les livres que j’ai lus comme une anorexique compte les calories. Je ne mettrai jamais 3 sur 10 à Rimbaud en arguant que « le tout n’est pas intelligible » (comme je l’ai réellement lu sur un profil). Chacun ses goûts, on est d’accord. Mais quand on en vient à mettre 5 à Corneille alors qu’on passe ses journées à prendre ses livres en photo, il me semble qu’il y a comme un problème.

Laissons donc la littérature aux écrivains et aux lecteurs-lectrice, la photographie aux artistes et la publicité aux publicitaires.

Review #21 / « Oublier Clémence » de Michèle Audin

L’arbalète, chez Gallimard, s’impose de plus en plus comme une collection de référence, faisant une place à des textes « écrits », brillants mais confidentiels.
Confidentiels, dans le sens où l’on sait qu’ils ne se vendront pas par dizaines de milliers et qu’on a peu de chance de les retrouver dans les listes de prix littéraires (et en même temps, quand on voit les libertés que les jurys prennent de plus en plus, peut-être n’est-il pas si incroyable d’imaginer voir apparaître dans les années qui viennent des textes édités chez l’arbalète dans lesdites listes, mais je m’égare).

J’ai choisi deux titres dans leurs dernières parutions : Oublier Clémence de Michèle Audin et Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives. C’est du premier que je voudrais parler ici.

Quand j’étais à la fac, j’ai suivi un master de recherche en Lettres modernes et je me suis « spécialisée » dans la littérature européenne du 18e siècle. J’ai surtout travaillé sur la place des femmes dans le roman, mais sans entrer officiellement dans ce qu’on appelle les gender studies. Ce qui m’intéressait (et m’intéresse toujours), c’était le filtre qu’apposaient les hommes sur les histoires de femmes pour les raconter. Comment ils modifiaient ces mêmes histoires en les faisant passer par leur subjectivité masculine. L’étude était complexe, en particulier parce qu’on manque sévèrement de matériau sur lequel s’appuyer pour analyser ces histoires de femmes de première main. J’ai passé un nombre d’heures impressionnant dans les fonds d’archives à éplucher des procès-verbaux et actes d’état civil de toutes sortes pour essayer de tirer des fils et sortir quelque chose qui dise une vérité de la condition des femmes du peuple. Ce n’était pas une mince affaire et pour faire les choses bien, il eût fallu des années de recherches, et probablement un cadre doctoral. Je ne dirais pas que j’ai échoué mais ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas réussi : mon objectif était trop élevé, la tâche trop ardue pour mon niveau en considérant le temps dont je disposais.

Je raconte ça, parce que ce que fait Michèle Audin dans Oublier Clémence me rappelle ce que j’ai fait pendant ces années. Sauf qu’elle le fait à la manière d’une auteure : elle n’écrit pas un mémoire, ne se prépare pas à répondre aux remarques et questions d’un jury. C’est beau, c’est écrit et c’est particulièrement touchant.

Michèle Audin part de l’acte d’état civil (7 lignes) d’une ouvrière décédée à l’âge de 21 ans au début du 20e siècle et le décortique pour raconter un peu l’histoire de cette femme en s’appuyant sur ce que l’Histoire nous a légué et dire quelque chose de la condition des femmes du peuple à cette époque. Mais elle a beau retourner sur les lieux de Clémence, il est bien difficile de repartir près de 140 ans en arrière et de faire abstraction des voitures et immeubles modernes pour revivre le quotidien qui était celui de l’ouvrière en soie.

Ce texte est d’une poésie rare. Il est court, chaque mot est pesé, précieux.
À chaque ligne, à chaque page, on est invité(e) à aller plus loin que le texte, à imaginer le chagrin que la perte d’un enfant de deux semaines peut causer.
On ne saura pas à quel mal Clémence a succombé à 21 ans de vie dans un hôpital où on meurt beaucoup à l’époque, mais les possibilités sont nombreuses. Elle laisse derrière elle un orphelin de 11 mois (son deuxième enfant), un veuf et une infinité de questions.

Il faudra lire le texte jusqu’au bout pour comprendre le lien qui unit Michèle à Clémence.

Michèle Audin, Oublier Clémence
éd. Gallimard, collection l’arbalète
65 pages, 10€

Review #21 / « Les Ravagé(e)s » de Louise Mey

Les Ravagé(e)s auront été mon dernier livre terminé avant la fin de l’année 2018.
Je ne sais pas pourquoi, mais en hiver, j’ai envie de polars. On a fait plus cosy comme lecture et pourtant, je ne me fais pas de meilleure idée d’un moment doux que ces heures passées blottie dans mon canapé avec un plaid et une tasse de déca’ à suivre un enquêteur/une enquêtrice dans sa traque d’un criminel.

Dans ce roman, on suit Alex Dueso qui, comme son prénom ne l’indique pas, est une femme. Flic et mère célibataire, elle est employée par une brigade fictive : la brigade des crimes et délits sexuels, aux cent coups depuis que plusieurs hommes ont été violés et laissés sérieusement amochés dans des terrains vagues, de nuit. Cette situation met à mal les statistiques très réalistes d’Alex qui insiste sur le fait qu’on n’a jamais vu autant d’agressions sexuelles touchant des hommes sur un laps de temps si court. Et la situation est d’autant plus compliquée que les victimes, masculines donc, refusent de porter plainte et même de reconnaître le caractère de ces agressions.

Le principe de l’histoire est clair et particulièrement intéressant : que se passe-t-il quand la vapeur s’inverse et que ceux qui occupent communément une position de force se retrouvent en position de faiblesse ? On découvre un Paris déserté par les hommes la nuit et dans lequel les femmes n’éprouvent plus aucune peur à se promener seules dans les ruelles sombres, en jupes courtes.

Et la situation est particulièrement difficile à gérer pour Alex qui peine à concevoir clairement ces hommes comme des victimes : elle se met à questionner leur probité, leurs fréquentations, demande à faire vérifier leur casier judiciaire… ce qu’elle n’a jamais fait quand une femme venait porter plainte pour viol.

Plus que l’intrigue qui est pourtant prenante, c’est cette question qui reste, une fois la lecture terminée : peut-on venger le crime par le crime ? Pour renverser la vapeur, doit-on nécessairement avoir recours à la violence ?

Louise Mey est l’auteure de deux autres romans que je n’ai pas lu : Les Embruns et Les Hordes invisibles.

Louise Mey, Les Ravagé(e)s
éd. Pocket, 445 pages
7,90€

Review #20 / « Rompre » de Yann Moix

Je sais qu’on n’est pas censé parler d’un livre qui n’est pas encore sorti. En soi c’est un peu absurde, ce serait comme dire qu’on ne doit pas parler de Noël avant le 25 décembre, non ?

J’ai déjà parlé de l’envie de lire, du désir qui naît pour x ou y raison et qui fait que je vais me jeter sur un livre alors que j’ai plutôt tendance à accumuler, à laisser traîner avant de me jeter à l’eau.

Ma nature, en matière de lecture, m’étonne(ra) toujours. Je me fais l’effet d’un dragon à deux têtes : une face raisonnable, frôlant le dilettantisme, avec une fâcheuse tendance à tout remettre à plus tard, et un côté maniaque, qui s’attache aux dates, aimerait lire la rentrée littéraire dans les temps, être d’actualité, découvrir un livre dès qu’il passe le pas de la porte de mon appartement ou de mon bureau.

Je n’arrive toujours pas à identifier clairement le noeud qui fait lien de l’un à l’autre de ces hémisphères de ma personnalité de lectrice et qui fait de moi la lectrice que je suis. Surtout que dans ma vie de tous les jours, je suis carrément maniaque et que seule une fatigue extrême peut me faire basculer dans l’apathie.

Mais revenons à nos moutons. Ce que je veux dire, c’est que l’attente me semble primordiale. C’est dans cet intervalle entre le moment où le désir se fixe et celui où il se réalise que j’ai toujours trouvé mon plus grand bonheur. Donc si je m’écoutais, je posterais cet article aujourd’hui, mais je sais aussi être raisonnable et je ne me sens pas l’âme d’une aventurière sur ces questions-là. Tout ça pour dire que je vais programmer cet article pour qu’il n’apparaisse que le 3 janvier, lendemain du jour de parution de Rompre.

Mais nous sommes le 11 décembre et j’ai fini hier de lire le dernier roman de Yann Moix. Ça fait un bout de temps que je n’ai pas écrit quoi que ce soit : j’ai 5 brouillons en attente que je vais essayer de nettoyer (de mettre au propre) pour que ce blog soit un peu à jour. (Parce que j’ai continué à lire malgré mon silence)

Rompre, donc, est un livre d’une grande beauté. Un texte comme j’ai l’impression d’en voir trop peu, un texte qui parle, qui peint et qui remue. Je ne sais pas s’il existe des gens qui n’ont pas connu de rupture, il y en a peut-être. Et quand on lit Yann Moix, on se dit qu’on a de la chance d’avoir vécu un tel chagrin un jour, d’avoir affronté une telle tempête, un tel ébranlement, parce que sans ça on aurait bien du mal à savoir qui on est.

Les ruptures sont faites de moments abominables où on se voit tout en noir, où on est incapable de mettre les mots sur ce que la personne que l’on aime a pu voir chez nous. Mais il y a aussi ces moments d’extra-lucidité où on arrive, comme par magie, à mettre le doigt sur ce qui nous fait défaut tout en étant capable, dans le même temps, de se reconnaître quelques qualités. L’épiphanie de la rupture, c’est une rencontre avec soi-même qui n’aurait pas pu advenir autrement, à un autre endroit, à un autre moment. C’est ce point de contact quasi jouissif où, tout à coup, on se voit comme l’autre nous a vu, où on se voit comme dans un miroir, et où, surtout, ces deux images viennent se superposer pour nous offrir à contempler une espèce d’image ultime qui, si elle n’est pas complètement juste, s’en approche un peu.

On s’en fiche, de qui est Yann Moix. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, on n’est pas que des concierges et ce qui nous intéresse dans ce texte c’est exactement ce qu’il nous offre : non pas ses états d’âme mais le récit d’une rupture avec l’autre et d’une rencontre avec soi. Et franchement, c’est assez rare pour être souligné, ça a quelque chose de prodigieux. Je me demande encore comment font les écrivains (et les artistes au sens large) pour réussir cet exploit : parler des autres en parlant de soi. On appelle ça l’universalité et ça fait du bien.

Un dernier mot, enfin, pour saluer le style et la maîtrise du verbe de Yann Moix.

À lire, absolument.

« Do you cover buy ? »

Ces livres que j’ai choisis pour leur beauté extérieure

Ok, cet article est un peu spécial.
Je me suis rendu compte, en écrivant sur L’intelligence du bonheur (lien vers l’article ici), qu’il y avait un nombre croissant de livres que je choisissais pour leur couverture et je me suis demandé si je devais en avoir honte (question essentielle chez moi, vous pourrez le remarquer – je rejette la faute sur 5 ans d’études de Lettres et un fâcheux mépris pour la littérature dite populaire distillé par les professeurs que j’adorais).

« Don’t judge a book by its cover » dit le proverbe. 
Mais force est de constater que c’est devenu complètement faux en matière d’édition (à quelques exceptions près, bien entendu) : il existe de véritables codes (de plus en plus mis à profit par les maisons d’édition) pour que le lecteur potentiel s’y retrouve et sache à peu près à quoi s’attendre quand il achète tel ou tel livre.  
NB : Quand on parle de code, on parle couleurs, graphisme, format… Mais aussi titre et synopsis/pitch/résumé (à chacun de choisir le terme qu’il préfère). 

J’ai donc décidé de faire un tout petit inventaire de ces livres que j’ai lus (et/ou achetés) parce que leur couverture m’avait plu, pour y voir un peu plus clair et surtout, essayer de tirer une leçon : est-ce que, quand je choisis un livre parce que je trouve sa couverture sublime ou parce que le pitch est accrocheur, j’aime le livre derrière ? Est-ce que les codes utilisés fonctionnent ? Ces codes sont-ils toujours utilisés à bon escient ?

  1. Silence, de Erling Kagge

J’ai écrit un article entier sur Silence, c’était mon premier véritable article de blog (lien ici). J’avais acheté ce livre en Angleterre, dans une très jolie librairie indépendante dont je n’ai malheureusement pas gardé de photos.
Ce que la couverture de ce livre me disait, c’était que j’avais affaire à un livre méditatif, qui allait parler de nature, de silence (j’enfonce des portes ouvertes) et dont l’écriture serait vraisemblablement sobre (il était clair qu’on n’était pas dans le registre comique). La promesse était tenue. J’ai bien évidemment été attirée par tout ça, mais aussi par la beauté de l’objet : on ne le voit pas sur la photo mais la couverture est rigide avec des dessins et lettres dorés en relief, l’ouvrage est relié, un véritable objet.
Mais tout ça ne suffisait pas vraiment : c’est la 4e de couverture qui m’avait alors convaincue, en particulier la description du parcours de l’auteur.

« Qu’est-ce que le silence ?
Où peut-on le trouver ?
Pourquoi est-il, aujourd’hui, plus important que jamais ?
L’explorateur norvégien Erling Kagge a parcouru l’Antarctique en solo pendant 50 jours, sa radio cassée.
Dans ce livre charmant et qui change doucement la vie (qui est devenu un phénomène international du monde de l’édition) il nous emmène pour un voyage dont le but est de mettre au jour le pouvoir du silence. Et il nous montre comment trouver le silence parfait dans nos vies quotidiennes, aussi occupés que l’on soit. »

2. Supernormal, de Robert Mayer

J’avais extrait Supernormal d’une pile de livres de poche à donner.
Pourquoi lui ? Parce que sa couverture était différente. Différente de ce que j’ai l’habitude de voir et différente de ce que j’ai l’habitude de lire. Comme pour Silence, c’est la 4e de couverture qui m’avait convaincue.

J’avais été séduite par la trajectoire du héros que le pitch promettait, cette situation qui fait très sérieusement penser aux Indestructibles (le film d’animation). La promesse, c’était un peu Philip Roth version Marvel, le tout contextualisé dans une période très particulière (et tentante) de l’Histoire des Etats-Unis.
En plus, on avait cet argument coup de poing qui m’a déjà convaincue à deux reprises avec Fiona Barton (La Veuve et La Coupure) : l’auteur est/était journaliste. Ça peut sembler étonnant mais je fais toujours confiance aux journalistes anglo-saxons quand ils se plongent dans la fiction. Il y a toujours ce je ne sais quoi que les autres n’ont pas, cette façon très particulière de tout entrelacer, de se servir de l’Histoire, de la sociologie, pour construire un univers réaliste crédible et passionnant.
En ce qui concerne ce livre (sur lequel je n’ai pas écrit ici), mon avis final avait été plus mitigé que l’idée que je m’en étais faite a priori. J’avais regretté des longueurs superflues et une fin un peu bizarre… Mais la promesse était tenue à 80%.

3. Where’d you go, Bernadette ? de Maria Semple

Corsica

Même chose que pour Silence : livre acheté en Angleterre, mais coup de foudre absolu pour la couverture, démente. Je n’inclus pas la 4e de couverture, parce que je ne crois même pas l’avoir lue avant de passer à la caisse. Ce qui ne m’arrive jamais.
Et ce qui est étonnant, c’est que ce livre, je l’ai autant aimé (peut-être même plus – ce qui n’est pas peu dire) que sa couverture.
Je n’avais rien lu à son sujet, je n’en avais jamais entendu parler et je ne savais donc pas qu’il existait déjà une traduction française (lien Amazon ici). Je le précise parce que j’ai ressenti le même amour pour Eleanor Oliphant va très bien, mais c’était alors Instagram et la nuée de posts au sujet de ce roman qui m’avaient poussée à l’acheter.
La promesse de la couverture, pop, délirante et jouissive, était totalement tenue par le texte porté par la fille adolescente de Bernadette (ce qui explique le côté juvénile de la couverture).

4. Entre deux mondes, de Olivier Norek

Typiquement, voici le contre-exemple à tout ce que je viens d’écrire.
Ce livre, je l’ai mis de côté en dépit de sa couverture. Les lettres rouges, ce fond bizarre de verre mouillé aux teintes bleu, blanc, rouge… Tout annonçait (pour moi) un mauvais roman penchant vers l’horreur.
Je trouve toujours qu’il y a quelque chose de cheap, d’un peu ringard et de pas excitant dans ce graphisme.
La 4e de couverture, quant à elle, ne présente aucun intérêt puisqu’elle ne comporte pas de pitch, juste une phrase : « Adam a découvert en France un endroit où l’on peut tuer sans conséquences », suivie de 3 avis de média. Pour être honnête je ne sais absolument pas pourquoi je l’ai sorti de la pile. Et pourtant, le texte n’a rien à voir avec tout ça et il est même franchement bon.
On apprend par ailleurs, quand on ouvre le livre, que l’auteur est lieutenant de police à la section Enquête et Recherche du SDPJ 93 depuis 15 ans. Pourquoi ne pas avoir fait figurer cette information en 4e de couverture, mystère.

Review #19 / « L’intelligence du bonheur » de P. Z. Reizin

Je sors d’une période un peu compliquée niveau lecture : je ne savais plus trop quoi lire puisque je n’avais plus le temps de lire d’articles ou de regarder ce qui se disait sur les réseaux sociaux ou sur les blogs, j’étais (et je suis toujours) débordée par le travail et l’organisation quotidienne, et du coup il y avait peu de place pour mon désir.
Pour résumer, j’avais peu de disponibilité d’esprit et de temps. Donc, j’ai eu tendance, ces derniers temps, à privilégier des lectures a priori « faciles », c’est-à-dire que j’allais plutôt vers de la fiction (vous me direz, ça ne change pas beaucoup) et de la fiction joyeuse. 
J’avais donc laissé de côté toute la littérature française actuelle et les grands romans étrangers. En somme, je me suis concentrée sur de la fiction « de genre » plutôt grand public. 
J’ai fait un petit écart en lisant le dernier Patti Smith (« Dévotion ») et le prochain Yann Moix (« Rompre ») mais c’était parce qu’ils sont courts (j’ai honte). 
Donc, tout ça pour dire que j’ai sorti de ma pile « L’intelligence du bonheur » de P. Z. Reikin (Albin Michel) il y a à peu près deux semaines et que je viens seulement de le terminer. 

Le temps qu’on passe à lire un livre est une donnée ambivalente : on peut avoir adoré un récit et cherché à le prolonger en prenant son temps mais la plupart du temps (dans mon cas) je remarque que si on met trop de temps à lire un livre ce n’est pas très bon signe. Ça veut souvent dire que l’urgence qu’un récit doit savoir créer chez son lecteur a manqué. 

J’avais mis ce livre de côté parce que le pitch m’avait parlé :
 » Depuis que Jen s’est fait plaquer, elle passe ses soirées dans la baignoire de son appartement londonien à siroter du pinot gris en écoutant Lana Del Rey en boucle. 
Fraîchement divorcé, Tom est en quête d’une nouvelle vie. Il a quitté l’Angleterre avec pour seuls bagages son ordinateur et son lapin pour se lancer dans une carrière d’écrivain dans le Connecticut.
Tout les oppose et pourtant, Aiden est persuadé qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Aiden ? Le confident et collègue de Jen au labo de programmation où elle travaille. Ou plutôt… l’intelligence artificielle qui s’est juré de faire son bonheur en lui trouvant la perle rare. Mais le bonheur est-il affaire d’intelligence ? « 

Ce que j’ai aimé : C’est un roman qui se lit facilement, l’histoire coule et les personnages sont sympathiques. J’ai adoré les deux Intelligences Artificielles, Aiden et Aisling qui sont des personnages vraiment super, malgré leur statut non-humain ! 
La problématique des IA est par ailleurs très intéressante (très documentée) et très bien amenée. 

Ce que je reproche à ce livre : la dernière question du pitch laisse deviner une certaine tension, une interrogation qui sont en réalité totalement absentes du roman que j’ai trouvé un peu trop régulier. J’ai d’ailleurs trouvé Jen et Tom, ainsi que tous les autres humains, assez plats, presque creux, surtout face aux IA. 
On a l’impression que l’auteur se réfrène, qu’il est toujours à la limite de la dystopie et c’est un peu gênant. Ça donne parfois un goût un peu fade au récit. 

Je reste donc sur une impression assez neutre : un roman sympa mais pas incontournable. Ceci dit, ça donnerait sans doute un bon film ou une bonne série si une équipe de scénaristes ajoutait un peu de tension à tout ça !

Bilan du mois #1 / Octobre 2018


Histoire de ne pas perdre trop le fil de mes lectures et d’avoir une vue un peu plus large sur ce que je lis, je vais essayer de vous proposer tous les mois un récap’ des livres que j’ai lus. Ça me permettra de nommer aussi ceux dont je n’ai pas parlé et d’expliquer aussi pourquoi je ne l’ai pas fait…

Voici donc (très en retard) ma liste non-chronologique du mois d’octobre : 

– Agatha Raisin enquête Tome 13, Chantage au presbytère
– Agatha Raisin enquête Tome 14, Gare aux fantômes
– (VO) Agatha Raisin enquête Tome 15, Agatha Raisin and the deadly dance
Je n’ai rien écrit de nouveau sur la série parce que j’ai estimé que mon article Les polars de l’été #2 / Agatha Raisin vs. le reste de l’univers littéraire était suffisant (je n’ai pas changé d’avis depuis !)

– Adam Nevill, Appartement 16
Je ne sais pas vraiment ce que je pense de ce livre… J’hésite à le classer dans la catégorie fantastique alors qu’il répond au présupposé (irruption du surnaturel dans le cadre d’un récit réaliste)… L’histoire est très sombre. L’habitante d’un immeuble très chic de Londres décède. Il s’agit d’une vieille dame, veuve, sans enfant mais dont la petite-nièce est appelée pour hériter (avec sa mère qui ne peut faire le voyage des Etats-Unis parce qu’elle a une peur panique de l’avion). Or la petite-nièce se rend compte assez rapidement que quelque chose ne va pas dans l’immeuble. Des bruits étranges, des ombres apparaissant dans les reflets de miroirs… Seth, le portier de nuit, entend quant à lui des bruits étranges émanant de l’appartement 16 (qui donne donc son nom au roman). Sa curiosité va le pousser à jeter un oeil par l’ouverture réservée au courrier. Un courant d’air froid le frappe au visage et à partir de là, tout va basculer. On plonge avec lui dans un univers quasi parallèle, peuplé de démons qu’il va devoir servir.

– Marcela Iacub, Scandale à la porcherie (lien vers l’article ici)
– Fiona Barton, La Coupure (lien vers l’article ici)
– Tayari Jones, An American Marriage (lien vers l’article ici)
– Where’d you go Bernadette ? 

Le livre que j’ai commencé à lire et abandonné : Sing, Unburied, Sing.

Review #18 / « La Coupure » : Fiona Barton, future reine du thriller psychologique ?

La coupure, c’est une coupure de presse sur laquelle tombent Kate Waters, éminente journaliste du Daily Post qui peine à trouver des enquêtes dignes de ce nom et Emma Massingham, employée dans une maison d’édition en souffrance.
La coupure fait état de la découverte d’un petit squelette de bébé au beau milieu d’un chantier. Et si l’instinct de Kate la pousse à creuser cette micro-histoire dans laquelle elle pressent qu’il se loge un peu plus qu’un chien écrasé, les quelques lignes propulsent Emma bien des années en arrière, mettant en danger sa santé psychique plus que fragile.
À ces deux femmes vient s’ajouter Angela dont le bébé a été enlevé à la maternité il y a une trentaine d’années et qui n’a jamais été retrouvé.

Les trajectoires de ces trois femmes, initialement mues par des motivations différentes, vont se rejoindre autour de la figure de ce bébé enterré sous une jardinière. L’enquête de Kate et celle de la police vont remuer des blessures profondes chez Emma et Angela mais elles vont également mettre au jour des meurtrissures jamais énoncées chez d’autres femmes dont les voix vont venir rejoindre le trio.

La Coupure, plus qu’un très bon thriller psychologique, est un roman choral sur ce que ça peut être d’être une femme, une jeune fille et une mère. Le récit questionne la possibilité d’une parole face à la tragédie, mais aussi la possibilité de survivre quand on a été confronté(e) au pire.

La Coupure s’inscrit donc naturellement dans la lignée de La Veuve, premier et superbe thriller psychologique de Fiona Barton dont l’expérience du milieu journalistique apporte une densité plus qu’appréciable au récit.
Si l’auteure continue à monter en puissance comme ces deux thrillers psychologiques semblent le présager, le troisième fera sûrement d’elle l’un des meilleurs auteurs du genre.

La Coupure, de Fiona Barton
Fleuve Noir, 2018, 477 pages, 20,90 €